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Analyse - Transitions sociales et crises protéiformes
Septembre 2021 | Jean Furtos et Xavier Briké

Le corps contemporain à la lumière de la pandémie

Parmi un foisonnement d’articles et d’ouvrages, le propos Jean Furtos (psychiatre des Hôpitaux honoraire, ancien chef de service en psychiatrie au Centre hospitalier de Lyon-Bron et membre permanent de l'Association mondiale de psychiatrie sociale (WASP)) et de Xavier Briké (anthropologue, chercheur au laboratoire d’anthropologie prospective (LAAP-UCLouvain) ouvre un angle de lecture des incertitudes qui bouleversent aujourd’hui nos contemporains à l’échelle du globe. L’humanité toute entière se transforme toujours plus vite, les cultures humaines peinent à reproduire du semblable dans la continuité, « les centres de production du sens et de la valeur » sont plus que jamais « déterritorialisés »1. La condition des terriens évolue, notamment « à la faveur de crises émotionnelles, politiques ou économiques »2 et aux sons de la modernité, notion hybride donnant à comprendre les évolutions des rapports aux mondes, à l’espace et au temps. La pandémie au Sars-Cov-2 nous en a appris plus sur le monde dans lequel nous vivons que sur le virus lui-même. Nous envisagerons ici ce qu’elle nous dit sous l’angle du rapport au corps, en l’abordant sous le prisme de la précarité contemporaine et du biopouvoir3, pouvoir exercé par les Etats et les institutions sur les vies, sur les corps, devenue « outils de la vie collective, de la santé désormais publique »4. Dans ce contexte, gérer les risques revient à contrôler les corps par un processus de quantification constant, agir sur les symptômes et à en produire des chiffres porteurs de légitimité pour l’action publique : « la vie biologique ou physique » est apparue « prédominante sur la vie sociale ou politique »5.

 

En révélateur, le virus Sars-Cov-2, a donné matière à l’analyse fine des gouvernances étatiques, oscillant entre protection et mise à l’écart, politique du déni ou de la peur. Dans un contexte pourtant grandissant de défiance citoyenne à l’égard des dirigeants, les politiques publiques ont privilégié, à la hâte et dans une situation inédite, la santé biologique des individus, édifiant dès lors une légitimité politique à contrôler les vies, impactant dès lors les libertés individuelles et empêchant, pour de nombreux individus, une existence bio-psycho-sociale. Au fil des décisions prises par les gouvernements du monde, une grande part de l’Humanité s’est retrouvée successivement confinée, tenue à distance, gênée dans ses relations à l’autre : dans leurs élans de vie. Nombre de citoyens se sont sentis emprisonnés dans leurs corps, empêchés de mouvements, de liens collectifs, scrutés, voire anathématisés. Dans leur incapacité à admettre leur isolement, à se projeter et à produire une analyse limpide de leur situation, nombre de personnes se sont senties déstabilisées, impactées psychologiquement. Sous le prisme des incertitudes, apparaissent de nouvelles appréhensions, de nouvelles obsessions, consécutives d’une crise inédite.

 

L’obsession de la perte

Une remarque s’est imposée ces dernières décennies : la peur de devenir fou, de perdre la raison, apparue à partir de l’âge des Lumières6, a été progressivement remplacée par une autre grande peur, celle de la forme contemporaine de la précarité où domine  l’obsession de perdre : perdre son travail, son argent, son logement, sa famille, son statut, c’est-à-dire les objets sociaux. Avec la pandémie, chose étonnante, il convient d’ajouter l’obsession de perte : celle du corps biologique. La mise en exergue de la vie biologique, de la vie nue7 sans autre qualité que celle de ne pas être privée de vie, a certes l’avantage de promouvoir l’hygiène et la médecine, mais elle n’est pas suffisante pour définir une existence digne et qualifiée, capable d’apparaître sur la scène sociale par l’action et la parole, pour reprendre la formulation de Hannah Arendt8. Dans ce contexte, la modalité « hypermoderne » de la peur de la mort devient le pivot du biopouvoir. Avoir peur à l’excès de perdre son corps, peur de perdre la vie, d’être confronté à la condition de vie nue, est bien différent de la peur de mourir : pour le dire trivialement, avoir peur de crever n’est pas le savoir intime de notre mortalité, et transforme les vivants en survivants.

 

La précarité humaine constitutive

Rappelons la différence entre la bonne et la mauvaise précarité. La précarité humaine constitutive, celle dont on ne peut se passer, est d’accepter la dépendance nécessaire par rapport à autrui pour vivre. Le type en est celle du bébé humain : il meurt si on ne s’occupe pas de lui dans un corps à corps respectueux et bienveillant ; sa manière de demander, c’est de crier, de s’agiter, de vivre une tonicité qui manifeste le fait que, chez lui, dans les bons cas, l’attachement primaire à la mère est de l’ordre de la sécurité et de la confiance. C’est aussi celle du grand vieillard, du grand malade, ou de celui qui subit les accidents de la vie – exil, chômage de longue durée, deuils, ruptures affectives. Mais c’est aussi le cas de chacun de nous, même en dehors d’une vulnérabilité particulière ! Le confinement est venu nous le rappeler avec vigueur.

Comment traduire en termes notionnels ce que « pense et ressent » le bébé dans une bonne situation d’attachement ? Le bébé ressent et « pense » à sa manière : si on s’occupe ainsi de moi, c’est que je suis bon, c’est que l’autre me veut du bien, j’ai confiance dans ce qui vient. La précarité constitutive donne en effet une triple confiance – en soi, en l’autre et dans le grand temps, ce pourquoi nous la qualifions de bonne. Avec en sus, la capacité de demander de l’aide lorsqu’elle est nécessaire, dans la réciprocité.

Développons cette notion de triple confiance.

  • La confiance en soi : j’ai confiance en moi, car si l’on m’aide quand j’en ai besoin, c’est que je suis suffisamment bon, c’est que je le vaux bien... Cela construit le narcissisme avec l’estime et l’amour de soi. Donc quand j’ai besoin de l’autre, je peux demander : la capacité à demander de l’aide, dans la réciprocité, s’articule avec le second niveau de confiance.
  • La confiance en l’autre. Si l’autre m’aide, c’est qu’il ne me veut pas de mal : je ne suis pas dans la paranoïa sociale ; l’autre est bienveillant, il me veut du bien. Il faudra certes que j’apprenne, en grandissant, à distinguer les « gentils », les « méchants », les « pervers », les « non-pervers ». Tout le monde n’est pas gentil, mais tout le monde n’est pas méchant. On voit bien, quand surviennent des catastrophes comme certaines inondations ou épidémies, qu’un certain nombre de gens se mettent à aider les autres plus facilement, qu’une solidarité nouvelle se déclenche quasi automatiquement. Cela n’empêche pas chez d’autres le repli, l’isolement, la peur, le pillage et la prédation.
  • La confiance dans le grand temps : « Si demain, je perds tout, il y aura toujours quelqu’un pour m’aider : ma famille, une assistante sociale, mon voisin, une association ». C’est l’anticipation portée par la bonne précarité, qui est une confiance dans le « grand temps » qui n’est pas le petit temps de l’urgence permanente, de l’excitation maniaque, de la peur de perdre, laquelle est en fait une forme de mélancolie sociale.

La précarité constitutive est particulièrement importante en ce qui concerne les humains, du fait de la conscience que nous avons de notre fragilité, de notre dépendance, de notre mortalité. L’obsession de la perte s’observe dans la forme contemporaine de la précarité, nous l’avons déjà suggéré, à savoir une perversion de la bonne en mauvaise précarité, ce qui aboutit à la perte de la triple confiance, avec l’angoisse de perdre les objets sociaux

Globalement, une société précarisée, au sens négatif de ce terme, est obsédée par la peur de perdre les objets sociaux : c’est la misère des pays riches, qui s’est progressivement exportée dans les pays en voie de développement. Remarquons du reste combien les flux financiers, qui normalement donnent confiance dans le crédit, la production, la consommation, la sécurité de l’avoir, engendrent en fait la peur de la perte… Fondamentalement, les sociétés pauvres ne craignent pas de perdre : elles ont le souhait d’avoir de quoi vivre, pour leurs enfants et pour les membres du groupe. Mais quand elles se précarisent à leur tour, comme c’est le cas à notre époque, elles acquièrent elles aussi cette obsession de la perte, « marquée par l’apparition de l’hyperindividualisme, la méfiance »9 paranoïaque et la perte du grand temps.

Les objets sociaux que l’on peut craindre de perdre sont, on l’a compris, quelque chose de concret ou de quasi concret comme le travail, l’argent, le logement, la formation, les diplômes, le statut, les avantages acquis – et cette liste n’est pas exhaustive. On en a ou on n’en a pas, ou peu. Ils donnent les « sécurités de base » dont la perte peut amorcer la précarité sociale et/ou psychique.

Comment comprendre cette extension des objets à perdre au corps biologique, à la vie nue ? Par la notion de biopouvoir.

À l’occasion de la pandémie actuelle, nous remarquons avec stupeur et inquiétude que la grande peur est manifestement, désormais, celle de l’objet « vie nue », une corporéité déshumanisée, une vie biologique à la merci de décisions institutionnelles ou politiques. En France ou en Belgique, les personnes illégalisées, privées de droits de séjour et dès lors de citoyenneté, demeurent de toute évidence au sommet du discernement de la vie nue. Cette vie nue veut certes dire que l’on ne meurt pas, et c’est un intérêt non négligeable, mais elle ne permet pas, si elle reste à l’état isolé, de vivre au sens plein du terme, c’est-à-dire qu’elle ne donne pas accès à une vie bio-psycho-sociale.

Avoir l’obsession de ne pas mourir n’aide pas à vivre, au contraire, puisque vivre c’est savoir que la vie humaine a une mortalité de 100 %, et l’accepter... Il s’agit bien de la conscience existentielle de notre mortalité qui nous aide à vivre.

Foucault rappelle que sous l’Ancien Régime, les rois, les empereurs et les princes avaient un droit de vie et de mort sur leurs sujets – dans le cas où ceux-ci étaient devenus dangereux pour leur pouvoir. Alors le souverain avait effectivement ce droit ou, au minimum, celui de priver les corps de liberté, de les enfermer, les embastiller, les exiler, les bannir. En revanche, en dehors de ces situations d’exception, le souverain ne se préoccupait pas particulièrement du corps de ses sujets et les laissait vivre à leur guise pourvu qu’ils paient l’impôt et qu’ils fassent la guerre quand il le leur demandait. Avec la modernité, apparait la notion de population. Une population faite de corps vivants dont le pouvoir politique se soucie sur les plans de la santé, de l’hygiène, de la natalité, de la mortalité et de la race même10. Il s’agit de l’émergence du biopouvoir.

A l’évidence, il y a des éléments positifs et salutaires dans le souci sanitaire du corps des gens. C’est grâce à cela que les égouts ont été inventés (et ils ont diminué considérablement les infections), que des règles d’hygiène ont été préconisées et que la médecine moderne, basée sur le corps biologique, a pu se développer d’une manière incomparable dans le domaine du traitement des maladies, de la diminution de la mortalité infantile, de la longévité.

La réduction du corps à la vie nue se produit de façon effective lorsqu’un chirurgien opère un patient sous anesthésie générale : ce corps devient provisoirement (ce mot est important) coupé de ses sensations, de ses émotions, de tout lien conscient avec sa libido, son psychisme ou sa qualité sociale et politique, il se limite réellement à la vie nue du patient qui, pour le bien de sa santé somatique, est mise à la disposition du chirurgien et de son équipe ; celui-ci pourra immobiliser, pénétrer les orifices, ouvrir, enlever, réparer, refermer. Quand le chirurgien parlera avec son patient réveillé, il lui parlera en qualité de personne.

Il faut reconnaître l’importance de cette réduction à la vie nue, de cette violence nécessaire qui exclut toute autre qualité que la vie biologique ; à conditions qu’elle ne dure pas, ce qui se passe si le patient et ses proches sont respectés dans leur humanité pleine.

 

Retour à la pandémie

La gestion de la pandémie à la Sars-Cov-2 s’est faite, surtout pendant les premiers mois et au début du second confinement et ensuite, autour de la notion exclusive et excluante de vie nue, de corps purement biologique. Le conseil scientifique qui, en France ou encore en Belgique11, a orienté le pouvoir politique n’a comporté aucun psychologue, psychiatre, sociologue, anthropologue, juriste, membre d’un comité d’éthique, ni aucun gériatre. L’état d’exception s’appuyait sur le seul argument virologique. C’est ainsi que, pendant des mois, nous avons vécu dans le monde de la zoê, en proie à l’angoisse, consciente ou inconsciente, suscitée par la perte de toute autre qualité, et à la panique qui a sidéré l’économie et la vie psychique de chacun, y compris les politiques et les administratifs en fonction, entraînant souvent chez eux des comportement aberrants et déshumanisants. Les travaux du sociologue Alain Desrosières12, rediscutant de « l’argument statistique », sont éclairants pour comprendre les options politiques envisagées sans l’expertise de disciplines telles que les sciences sociales, les sciences humaines et certaines branches du monde médical.

Il n’y avait alors pas d’autre option selon les discours officiels que d’être ou non contaminé par le virus ; de tomber malade et de mourir, sans l’honneur d’un rituel funéraire, de rendre malade et de tuer ses proches, en particulier les personnes âgées définies uniquement par le seuil de 65 ans – ou alors d’en être protégé et de protéger ainsi autrui. « Sauver des vies » est un programme noble, mais sa répétition psalmodique peut devenir un verrou, une manière de ne plus penser le compromis vital entre zoê et bios, entre survie et vie.

 

Le cas particulier des maisons de retraite

Dans les Ehpads, en France, comme dans les maisons des repos, en Belgique, les personnes âgées ont été réduites à une vie nue : il allait de soi que personne ne pouvait les visiter normalement. Les personnes étrangères au corps médical ne viennent pas en salle d’opération voir le corps réduit à sa vie nue opéré par l’équipe chirurgicale, sinon, très rarement, à travers une vitre. Donc pas de visite en Ehpad, pas de relations même entre résidents – pas d’obsèques, pas d’hommage collectif, synonyme de reconnaissance au sein d’une communauté.   On enterre le corps de quelqu’un qui fait partie d’une famille, qui fait partie d’un groupe social, pas une vie nue.

 

Biopouvoir et camps, une analogie à manier avec prudence

Venons-en maintenant à la métaphore sur laquelle s’appuie Giorgio Agamben dans Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue (1995)13, où le corps réduit à la vie nue est à la fois le corps apparu à la modernité, du point de vue de la santé et de l’hygiène, et celui de l’état d’exception que représentent les camps de concentration, ce que Foucault n’avait pas décrit.

À la question : « qu’est-ce qu’un camp ? » Agamben répond par un coup de force épistémologique : un camp n’est pas seulement le camp de concentration de l’histoire du nazisme, ou d’autres régimes,, mais d’une certaine façon il est comme la matrice cachée, comme la loi de l’espace politique dans lequel nous vivons encore14. C’est une disparition de l’homme comme « animal politique » (Aristote), une disparition du transgénérationnel, un cas d’anomie. Dans cette mesure, le camp est le lieu où les habitants ont été dépouillés de tout statut politique, réduits intégralement à leur vie nue ; c’est ainsi l’espace biopolitique le plus absolu qui ait jamais été réalisé15, et j’ajouterai que c’est exactement ce qui se passe en période pandémique.

Toutes les fois que l’État décide de prendre directement en charge la vie biologique de la nation, il y a une sorte de disjonction entre l’État-nation des citoyens et la vie nue de la population. C’est cet écart croissant entre l’État-nation et la vie nue qu’Agamben appelle camp16, c’est-à-dire un territoire frappé par une mesure d’exclusion de la dignité citoyenne, sociale, psychologique. Dans le contexte sanitaire aujourd’hui, nous pouvons, à la fois être partisans de la vaccination à une large échelle, car elle a éradiqué bon nombre de maladies, et comprendre que des citoyens, même infirmières ou médecins, refusent la vaccination en général : c’est une manière d’affirmer en quelque sorte : « mon corps est à moi, il n’est pas à l’État, il n’est pas nationalisé17, il ne se réduit pas à la vie nue ».

Pour Agamben, le paradigme politique de l’Occident est aujourd’hui le camp et non pas la cité. Nous ne pourrions pas affirmer la pertinence de cette thèse si nous portions notre attention sur l’exercice de la seule cruauté chaude dans les camps d’extermination, qui était animée par le désir effectif de tuer. Mais nous pouvons l’envisager si nous portons notre regard sur la cruauté froide qui est bel et bien à l’œuvre dans cette réduction de la vie à la survie, cruauté froide qui a conduit à ce que nous avons évoqué plus haut, dans les Ehpads, dans les maisons de repos, comme dans la gestion générale de la Sars-Cov-2.

La protection de la vie nue est exclusivement placée sous le régime d’une logique de la survie, s’articulant ainsi avec le principe dominant de la mauvaise précarité telle que nous l’avons vu plus haut : dans la mauvaise précarité, il ne s’agit plus de vivre mais de survivre, sans confiance.

Tentons de rester attentifs aux indices de l’emprise du biopouvoir, veillons à la santé globale de tout un chacun, pour vivre, en ne la réduisant pas à des corps biologiques, à des individus et à des populations définies exclusivement par leur vulnérabilité. La prudence reste de mise dans un contexte de pandémie de cette ampleur, mais il s’agira de refuser l’apocalypse cognitive qui l’accompagne.18

 

1BAUMAN Z., 2010, Le coût humain de la globalisation, Librairie Arthème Fayard/Pluriel, Millau.

2Perez, P., 2009, « L’homme monde, ou la citoyenneté globale ». Après-demain, 9, NF, 14-15.

3Pour davantage d’exhaustivité, cf. Jean Furtos : pandémie et biopouvoir, la nouvelle précarité contemporaine, La Rue d’Ulm, 2021.

4B. Hours, « La Covid-19 : une morale de l’environnement » in M. Selim (dir.), 2020, Anthropologie D'une Pandémie, Ed. L’harmattan.

5Didier Fassin, 2018, La Vie : mode d'emploi critique, Editions Seuil, Paris.

6Cf. M. Gauchet et G. Swain, 1994, Dialogue avec l’insensé, « Si, avant le xviisiècle, on laissait circuler librement l’idiot du village, c’est qu’on était parfaitement convaincu d’être à l’abri de la folie… on se croyait assez diffèrent pour n’avoir rien de commun avec lui ».

7Nous devons le concept « vie nue » au philosophe allemand Walter Benjamin, dans un texte intitulé « Pour une critique de la violence » (W. Benjamin, « Zur Kritik der Gewalt », Aufsätze, Essays, Vorträge (Gesammelte Schriften, tome II -1), Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1991, pp. 179-203 ; trad. fr. in W. Benjamin, Œuvres I, Gallimard, Paris 2000, pp. 210-243).

8H. Arendt, 1958, Condition de l’homme moderne, Editions Calmann Levy, Paris.

9P.-J. Laurent, 2008, « Éléments pour une socioanthropologie de la défiance », in Y. Algan et P. Cahuc, La Société de défiance.

10M. Foucault, 1978-1979, « Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France », p. 323.

11En Belgique, il s’agit d’une cellule d'évaluation (Celeval) chargée de conseiller les membres du CNS (Conseil national de sécurité).

12A. Desrosières, 2000, La Politique des grands nombres : Histoire de la raison statistique, La Découverte, Paris (1re éd. 1993) ; Alain Desrosières, 2008, Gouverner par les nombres : L'Argument statistique II, Presses de l'École des Mines de Paris ; Alain Desrosières (préf. Emmanuel Didier), 2014, Prouver et gouverner : Une analyse politique des statistiques publiquesLa Découverte, Paris ( Recueil posthume de textes choisis et rassemblés par Emmanuel Didier).

13On peut aussi se reporter à G. Agamben, Homo Sacer, L’intégrale, 1997-2015.

14Ibid., p. 179.

15Ibid., p. 184.

16Selon Federico Rahola « les camps », pas uniquement les camps qui mènent à la mort physique des personnes, « apparaissent avant tout comme étant le seul territoire « possible » où reconduire et confiner l’humanité en mouvement entre les frontières et les appartenances univoques. Il semblerait donc que ce soit l’indéterminabilité du statut des sujets qui donne un « sens » aux camps : lieux « perdus » pour des sujets « perdus », réponse qui excède pour des sujets qui excèdent. » (Federico Rahola, « La forme-camp. Pour une généalogie des lieux de transit et d’internement du présent », Cultures & Conflits [En ligne], 68 | hiver 2007).

17Voir F. Dagonet, 1988, La Maîtrise du vivant, Hachette Litteratures, Paris, p.189. 

18L’article fera également l’objet d’une publication dans la revue Akène le mois prochain.